mardi 7 février 2012

Les limites de la violence

   Je constate sur les forums que beaucoup de gens se demandent: "suis-je victime de maltraitance?".
Moi aussi je me suis posée cette question au début de ma prise de conscience. C'est comme si on n'osait pas se l'avouer, mais on a un doute. Peut-être que oui, peut-être que non... mais non c'est pas possible...

   Exemple de discours intérieur:
   Oui d'accord, on a eu une éducation stricte mais on a eu une bonne éducation, d'ailleurs moi et mes frères et soeur, on est devenu des gens biens avec des valeurs saines comme l'honnêteté, le respect des autres. Bien sûr que la violence est quelque chose qui nous révolte mais les coups qu'on a reçu, c'était pour notre bien! Et puis une paire de claques ça n'a jamais fait de mal à personne, au contraire ça remet les idées en place. Non, quand j'y repense on était vraiment difficiles, à nous 4, ça n'a pas dû être facile pour nos parents tous les jours!

   Il y a un an environ, j'ai eu cette discussion avec ma mère.
-R: Quand même vous avez dû bien en chier avec nous 4 quand on était petits, on était pas faciles...
-M: Oh... Il ne faut pas exagérer, vous étiez des enfants vivants, en bonne santé. Des enfants normaux qui bougent, qui jouent qui crient.
   Malaise. Dans mon souvenir mon père ne nous désignait jamais sous d'autres qualificatifs que "Sales gosses" ou "Sales gniards". Dès qu'on s'amusait, il nous battait parce qu'on "faisait que des conneries" ou "trop de bruit", parfois au sang avec ce qui lui tombait sous la main.
   Non, dans mon souvenir nous étions d'infâmes petits démons qui méritions tout à fait de nous en prendre plein la gueule de la part de ce père si parfait... Difficile de remettre en cause cette autorité marquée dans l'âme et dans la chair!

   Hier, discussion avec Balthazar autour d'une infusion et d'un pétard:
-R: Pour moi un enfant maltraité, j'ai toujours eu l'image de l'enfant enfermé dans un placard et brûlé avec des cigarettes, pas l'image d'être battu au martinet, à la cuiller en bois,... Et pour toi?
-B: C'est les deux! C'est pareil! C'est de la maltraitance!
-R: Pour moi, la différence c'est que l'enfant brûlé est maltraité et que l'enfant tapé au martinet, c'est moi qui ai fait une bêtise... (pleurs)
   Malaise. Ma manière d'appréhender la violence est biaisée par la culpabilité, si mon père me tape, c'est que je le mérite. Je suis coupable, j'ai fait quelque chose de mal. J'ai encore du mal à mesurer l'horreur d'un tel acte... La petite Rose, elle, a bien senti que c'était injuste et cruel que ce père dont elle n'a jamais eu un mot gentil ou une caresse, puisse lui faire tant de mal..

   On peut oublier tant qu'on veut, refouler, ne pas y penser, notre mémoire d'enfant est toujours là quelque part, bien enfouie sous des couches de bons arguments.
   Si vous avez le moindre doute, écoutez la petite voix qui vous dit: "Et si...", autorisez-vous à fouiller un peu plus profond dans votre ressenti, dans votre histoire. Quel risque y a-t-il? Au pire vous vous trompez, et alors? ce n'est pas grave de chercher la vérité!
Mais vous le sentez vous aussi n'est-ce-pas ce malaise, cette peur diffuse de ce qu'on peut rencontrer au bout du chemin? Cette peur est la trouille toute naturelle de mettre fin à une autocratie parentale qui dure depuis l'enfance et nous empêche d'exister car elle nous dicte que faire et que ressentir depuis notre âge le plus tendre...
   Je veux briser ces chaînes, me libérer de cette dictature, de ce culte de la personnalité qui m'empêche depuis 30 ans de me voir telle que je suis...
   Beaucoup de courage à tous,
   Rose






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