samedi 4 février 2012

Etat des lieux

   Je m'appelle Rose, j'ai 33 ans et je suis en train de lever le masque sur mon enfance.
Comme mes frères et ma soeur, j'ai subi de la violence de la part de mon père dans ma petite enfance.
Depuis 5 mois j'essaie de retrouver les souvenirs de cette période que j'avais complètement occultée, enfouie au plus profond de moi-même comme un sale petit secret qu'il ne faut surtout pas révéler. Avec l'aide de Nina, ma psychologue, je replonge au coeur de cet univers de tension et d'angoisse, impression de se replonger dans un vieux cauchemar mais bien familier pourtant, du genre de ceux qui laissent un goût amer et des traces cuisantes. Cette (re)descente aux enfers peut sembler paradoxale, combien de fois ai-je entendu que le passé c'est le passé, qu'il faut avancer, se tourner vers l'avenir et oublier les mauvais souvenirs... Oui c'est même ce que j'ai fait de mieux pendant ces 33 années de vie, fuir, me voiler la face, changer de vie, partir à l'étranger, aller de l'avant.
   Il y a 5 mois je surfais sur un site web chinois de produits chimiques pour commander la capsule d'euthanasiant pour chien qui allait vraisemblablement me permettre de fuir une dernière fois. La commande arriverait par la poste dans 3 semaines. Mais je n'ai pas eu le courage de mettre un terme à ma souffrance de cette manière car je culpabilisais déjà à l'avance du mal que ça aurait pu faire à Balthazar mon conjoint mais aussi et surtout à mon père, la personne que j'aimais le plus au monde, à ce moment-là.
   J'ai donc appelé à l'aide un centre de psychologues près de chez moi et j'ai rencontré Nina que je rencontre toutes les semaines depuis 5 mois. On gratte où ça fait mal pour comprendre pourquoi ça fait mal et comment cette douleur contamine ma vie d'adulte en m'empêchant d'être moi-même. En gros j'affronte mes peurs d'enfants pour pouvoir cicatriser ces vieilles blessures. Cette voie est passionnante à explorer car elle permet petit à petit de se débarrasser de la Honte, énorme, totale, écrasante de l'enfant qui pense avoir mérité tout ça.              
   Mais cette démarche est difficile aussi, douloureuse quand on ne sait plus du tout qui on est, quand on ne comprend pas ses réactions. On avance à tâtons dans une grande pièce sombre remplie de souvenirs nauséabonds, d'interdits, et de très grosses frayeurs. Heureusement, je ne suis pas seule dans cette démarche, il y a Nina qui est le repère stable de la santé, et puis il y a Balthazar, mon amour qui partage ma vie depuis 10 ans et qui m'écoute, me comprend, hallucine lui aussi alors que le masque est en train de tomber.
   Voici le début de mon histoire, l'histoire de la grande Rose qui tombe le masque mais aussi l'histoire de la petite Rose blessée et qui souffre toujours et depuis si longtemps.

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