dimanche 15 avril 2012

Le culte de l'objet

Flash revenu il y a quelques mois...

   Mon père a toujours été avide de technologies. À l'époque, début des années 80, il était radioamateur et passait son temps libre à discuter avec d'autres radioamateurs du monde entier. Le soir il s'enfermait dans son bureau, une grande pièce enfumée remplie de matériel électronique qui semblait bien étrange pour des petits enfants comme nous. Bien sûr il était hors de question que les gosses aient accès à cette pièce. Il me semble qu'elle était fermée à clé (je ne me souviens plus très bien)  mais ce qui est sûr c'est que la peur de se faire attraper était plus forte que tout, on se tenait à distance. 
   Je me revois pourtant un après-midi, seule dans ce bureau silencieux dans l'odeur de tabac froid, à regarder tous ces boutons mystérieux de très très près, en prenant bien garde de ne rien frôler, de ne rien salir ou casser. Il y avait même un appareil bizarre qui servait à faire du morse, un genre de pince sur un socle. Je me souviens aussi d'avoir tourné une des grosses molettes par défi. À peine, même pas une graduation entière. Petit geste de rébellion connu de moi seule et qui passa totalement inaperçu (heureusement)...

Exemple de station radio amateur
   Quand mon père s'offrait un nouvel appareil de radio, c'était la fête. La pièce de théâtre pouvait commencer et le public était déjà à ses pieds. Nous, les gosses, n'en perdions pas une miette, collés à la grande table du salon où avait lieu le déballage. C'était tout un rituel. Il ouvrait son carton délicatement, caressait le métal noir et soufflait très fort et à tout bout de champ pour enlever des micro poussières. Je revois ses doigts aux ongles parfaits glisser avec "tendresse" sur des tas d'objets au cours de mon enfance: des télés, des ordinateurs, des magnétoscopes, lecteur DVD, un disque dur externe. Quelle douceur, quel amour dans ses gestes! La petite Rose regarde avec beaucoup d'admiration et de respect, cette radio qui mérite, elle, l'attention, le temps et les caresses de papa. Mais la petite Rose ne se pose pas de questions, c'est comme ça. Impossible pour elle de comprendre ce "twist" dans la réalité...

   Niveau construction de l'estime de soi, on peut mieux faire. Une phrase que j'ai entendu toute mon enfance sur un ton méchant: "Les gosses... Toujours tout salir, défraîchir..." accompagnée d'une moue de dégoût. À propos de mon carnet de correspondance, de nos jouets ou de nos livres de classe: on aurait dit que tout ce qu'on touchait devenait pollué et sale.
   A bientôt,
   R.

"Roar" by Roger Ballen

Note: Avec le recul de l'adulte, je trouve le radioamateurisme vraiment beauf comme activité. Communiquer avec des gens du monde entier par radio pour parler de... radio...

lundi 9 avril 2012

Déprime-Analyse-Réparation

   Voici mon mantra... 
   Dimanche soir, après un après-midi passé en compagnie de couples d'amis et de leurs chères têtes blondes, j'ai ressenti une grosse baisse de moral. Retour encore une fois des pensées morbides en boucle fermée dans ma tête, submergée, terrassée par une vague de merde qui déborde de l'intérieur. Discours intérieur bien rôdé car je le connais par coeur...

   Tu es inapte à la vie ma pauvre, rends-toi à l'évidence. La vie de famille, les enfants, ce n'est pas pour toi. Le mal est à l'intérieur de toi, il vaut mieux arrêter toute relation avec Balthazar, lui il est prêt et toi tu ne pourras jamais être une mère. Heureusement que tu n'as pas d'enfants, les pauvres... Je suis incapable de vivre sans cannabis, c'est trop dur, je suis coincée, je dois tout recommencer, j'en ai pour des années de thérapie... Ma vie est plate, rien n'a de saveur, ça va être long toute une vie avec cette douleur, ce vide à l'intérieur, il vaut mieux POUR TOUT LE MONDE en finir... Comment elle s'appelait déjà cette petite capsule d'euthanasiant pour chien? Faut pas se rater, sinon ça sera pire après... Et Balthazar??? Culpabilité...

   Et Balthazar, justement, m'a tendu la main hier soir. Il a senti mon mal-être, mon empiffrage frénétique de bouffe comme une grosse truie au repas avait dû lui mettre la puce à l'oreille. Je l'ai d'abord repoussé. Comment accepter un geste de tendresse, de compassion envers soi-même lorsqu'on se sent comme le pire rebut de l'humanité? Il ne s'est pas laissé repousser bien loin. "Analyse! Qu'est-ce qui a provoqué cet état?"

Drowning Girl by Roy Lichtenstein (1963)

   J'ai vidé mon sac, en larmes. 
   
   On pourrait partir ensemble, hein? Tout recommencer à zéro. On dit rien à personne, on disparaît, on recommence à J+1 dans un autre pays. Je nous vois, heureux et bronzés, avec nos enfants sur une plage - pensée tellement magique je le sais bien, c'est ce que mes parents ont fait, s'enfuir au soleil et ça n'a rien arrangé...

   Ça va mieux, je me mouche et j'analyse ma journée...

   La discussion Skype avec mon médecin de père qui datait du matin même (Je sais pourtant bien que je ne trouverais JAMAIS de réconfort de leur part...). A la base je voulais juste un conseil pour mon problème de dos, finalement il m'a déclaré: "J'ai eu mon premier lumbago à 24 ans ma fille, tu te feras opérer comme moi et ça ira mieux, les chiros sont tous des charlatans." Une belle promesse d'hérédité dont je préfère me passer en ce moment... J'avais ironisé ce discours, mais le cynisme cache parfois la blessure, oui cette fatalité dans sa voix m'a fait mal, ce détachement complet de la dimension émotionnelle et psychologique m'a (encore une fois) heurté de plein fouet.

   Deuxième point noir de ma journée, certains comportements de mes amis envers leurs enfants me choquent terriblement. Il faut dire que depuis quelques mois, je suis très sensible aux réactions des adultes envers les enfants. Pour moi, refuser de s'occuper de ses enfants sous prétexte que c'est au tour de l'autre de le faire, et ce, devant l'enfant en question c'est violent, ça veut dire: "Tu nous fait chier, tes besoins ne sont pas importants pour nous."
   Débouler comme un fou dans la chambre où les enfants sont obligés de faire la sieste pour leur hurler dessus alors qu'ils sont en train de rigoler, c'est de l'éducation par la terreur. 
   Humilier un enfant sous prétexte de faire une blague ou de rigoler c'est de l'abus car l'enfant n'a pas les moyens de comprendre l'humour à ses dépends et encore moins de se défendre, il dépend totalement de ses parents.
   Ce qui m'a dégoûté le plus dans tout ça, c'est le consensus. Tout le monde trouvait ça complètement normal d'en rire, de plaindre les parents. Et on en rajoute une couche devant les enfants en question... Ah la la! Les enfants, c'est vraiment la fin de la tranquillité, profitez-en bien, après c'est fini... 
   Sérieusement, man, fallait réfléchir avant de les faire tes gamins, eux ils t'ont rien demandé et ils sont là! Alors tes blagues de merde garde-les pour toi!

   Oui ça m'a vraiment fâché! De l'exprimer à Balthazar nous a rapproché, ma confiance en moi, ma foi en l'avenir est progressivement revenue. Impression de sortir la tête de l'eau, de pouvoir envisager un avenir, de pouvoir avoir foi en moi. Merci mon beau Balthazar de m'avoir tendu cette main, de m'avoir écoutée et consolée. 
   R.

  

   


vendredi 6 avril 2012

Petit psoas bloqué à droite

   Il y a quelques semaines, je me suis bloqué le dos suite à une séance de Qi gong. Il s'agit de techniques de respiration et d'exercices d'assouplissement plutôt doux, donc j'ai eu du mal à comprendre pourquoi ma ceinture lombaire est restée bloquée pendant presque 15 jours. Impossible de vider le lave vaisselle, de porter le chat ou de mettre mes chaussures. Au bout de 15 jours d'anti-inflammatoires pour pouvoir dormir et travailler normalement, la douleur a diminué, puis finalement disparu. Et voilà que la semaine dernière, mon dos se bloque à nouveau. je me suis donc décidée à consulter un chiropracticien. 
   Selon lui, ces douleurs sont reliées à une vieille chute sur un bateau datant d'il y a environ 8 ans qui a causé une déviation du sacrum (le cul). 
   Dès la première séance de massage et d'exercices, cette semaine, il a repéré un point dans mon aine droite qui est pour moi "le siège d'une grande émotionnalité". En effet, dès qu'il approche sa main pour masser ce point précis, je me raidis sans pouvoir me contrôler et mes paumes deviennent moites, j'ai peur qu'il me fasse mal. Bon, pour moi cette peur est normale, c'était ma première séance de chiro, j'étais inquiète de mes douleurs au dos. Eh bien aujourd'hui, lors de la deuxième séance, même réaction, impossible de me contrôler... Mains moites, tension, défense, et uniquement du côté droit. Il m'a alors expliqué que cette tension musculaire est probablement présente depuis l'enfance puisque j'ai développé de gros mécanismes de défense pour protéger cette zone. 
   Petit cours d'anatomie: il s'agit du muscle psoas, le seul muscle qui relie les jambes à la colonne vertébrale.

Le psoas, c'est le massage de ce muscle qui me met dans tous mes états.

   Il m'a rapporté une conversation qu'il avait eu avec un psychiatre au sujet de la psychosomatisation. Selon ce psychiatre, tout le monde somatise, transforme sa douleur psychique en symptôme physique pour ne pas perdre la raison. Inutile de préciser que ça m'a beaucoup intéressé!
   Je suis très curieuse de développer cette nouvelle relation avec mon corps. Me réapproprier ces organes, ces membres, ces tissus et ces muscles, ne plus les voir comme de simples outils mécaniques qui permettent d'avancer et de manipuler, mais comme un ensemble qui fait partie de moi et dont je fais partie. J'ai besoin d'apprendre plus des signaux de mon corps, les écouter de la même façon que j'essaie d'analyser mes processus psychologiques avec Nina.  
   Je ne peux pas m'empêcher de penser, d'espérer que de dénouer ce "point" douloureux me permettra de (re)trouver le chemin de ma sexualité. Pas si fou, hein? Géographiquement, ce fameux point n'est pas situé si loin de mon sexe... 
   Ah oui, au fait, ces 2 séances m'ont fait beaucoup de bien et mon dos douloureux ne me réveille plus la nuit, merci docteur Chiro!
   R.